Selon Laurent Karila, professeur de psychiatrie, l’usage des écrans favorise l’addiction aux jeux vidéo et autres pratiques numériques. Gamers et internautes, seules la maitrise de ses pulsions et la régulation de ses habitudes permettent d’éviter les revers de la surexposition sur la santé mentale et physique.
Usage des écrans et dépendance ? Laurent Karila fait le point
Laurent Karila est professeur de psychiatrie à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, se distinguant par son expertise en addictologie. Passionné par le domaine des dépendances, il a récemment publié « Docteur : addict ou pas ? » aux éditions Harper Collins. Cet ouvrage aborde les multiples facettes des addictions modernes, dont celles découlant de l’usage des écrans. De même, il en parle à travers le podcast Addiktion, accessible sur diverses plateformes d’écoute audio.
En se basant sur ses connaissances et ses analyses, il dépeint l’impact de nos dépendances numériques sur notre santé mentale et physique.
Numérique : une dépendance générant une perte de maitrise de mémoire et de motivation
Laurent Karila explique que nos activités usuelles comme manger, boire, aimer ou encore jouer impliquent quatre circuits cérébraux qui fonctionnent de concert.
Tout d’abord, vous avez le circuit de la récompense qui répond principalement à nos besoins primaires comme manger. Puis, le deuxième est celui de la mémoire et de l’apprentissage, alimentant notre capacité d’adaptation dès l’enfance. Le troisième est le circuit de la motivation qui nous incite à changer et à adapter notre attitude. Enfin, le dernier, le circuit de contrôle ou de la maitrise, régule cet ensemble.
D’habitude, ces circuits se mettent en mode « pause » dès lors que nous achevons une activité donnée. Mais en cas d’addiction comme celles résultant de l’usage des écrans, seuls ceux de la récompense et de la mémoire fonctionnent. Cela entraîne alors une perte de motivation et de contrôle.
Identifier une addiction en se basant sur la méthode « 5 C sur douze mois »
Si c’est ainsi que nait une addiction, à quels signes la reconnaitre ? Pour cela, Laurent Karila propose un guide mnémotechnique qu’il a baptisé les « 5 C sur douze mois ».
Ce concept en « C » se base sur les éléments suivants : la perte de Contrôle comportemental, la Compulsion, le « Craving » (ou l’envie irrésistible de consommer), le recours Continu et les Conséquences (psychologique, psychiatrique, physique, sociale et environnementale).
Selon Karila, l’accumulation de ces critères pendant au moins un an indique une situation d’addiction, que ce soit à des substances ou à des comportements découlant de l’usage des écrans.
Plus un souci de comportements addictifs aux jeux vidéo et autres activités en ligne
Comme le souligne le professeur, on ne peut pas vraiment parler d’addiction quand on se réfère à l’usage des écrans. Il est plutôt question d’usages problématiques des supports numériques comme le smartphone, la tablette et l’ordinateur. Ces derniers favorisent entre autres des comportements addictifs spécifiques. Souvent, les personnes qui consultent pour des soucis d’addictologie révèlent des dépendances variées : aux jeux vidéo en ligne ou sur console, aux réseaux sociaux comme Twitch ou Reddit, aux achats compulsifs de skins gaming ou autres éléments vidéoludiques…
Une surexposition dégradant la santé physique chez l’enfant et de l’adulte
Karila explique que l’usage des écrans excessif a des impacts délétères sur les jeunes et les adultes. Sur le plan physique, les conséquences d’une surexposition incluent des douleurs cervicales, aux poignets, au dos et aux pouces. S’ajoutent à cela de la fatigue visuelle, de la myopie comportementale et des maux de tête. On observe aussi des troubles du sommeil fréquents, perturbant le rythme circadien et la qualité du repos.
Sur le plan comportemental, abuser de son smartphone et PC pour jouer ou surfer en ligne favorise le grignotage, générant surpoids et troubles alimentaires. Or, la sédentarité, exacerbée par le temps passé devant un moniteur, entraine souvent des complications de santé comme l’obésité et les maladies cardiovasculaires.
Faites attention à votre bien-être mental, jeunes mordus de smartphone et de tablette !
Une légion de sites Internet use de stratégies sophistiquées pour capter l’attention et l’intérêt des enfants. Parmi leurs recours les plus courants, ils exploitent des biais cognitifs afin de les garder captifs, les contrôler et les réengager constamment dans une bulle numérique.
En France, le récent rapport de la commission d’experts sur l’impact de l’usage des écrans chez les jeunes, remis au président de la République, explique que ces supports ne causent nullement des troubles du neurodéveloppement. Cependant, la vigilance est de mise si l’on ne souhaite pas exacerber certains symptômes.
De même, les smartphones et les tablettes n’induisent pas de dépression ni de troubles anxieux chez les enfants, excepté en cas de vulnérabilité préexistante.
De l’importance de la régulation pour éviter de devenir accro
Pour contrer ces tendances addictives, Laurent Karila propose des stratégies progressives dans son livre « Docteur : Addict ou pas ? » Au lieu de s’en priver de manière radicale, il recommande la régulation, en se fixant des objectifs précis.
Par exemple, chez les adultes gamers ou non, on se limite à certaines heures de la journée et on se sert des jeux vidéo ou des réseaux sociaux comme récompense à une tâche accomplie. On pensera aussi à éteindre son téléphone ou à activer le mode avion à des moments spécifiques comme la nuit. Pour ne pas sombrer dans la tentation, on évitera de l’emporter au lit. À la place, on préférera lire un livre papier.
Les grandes personnes devront aussi donner l’exemple aux enfants en adoptant des comportements numériques équilibrés et réfléchis.
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Site Gouvernement : https://www.info.gouv.fr/actualite/ecrans-apprendre-a-maitriser-ses-usages publié le 06/05/2024